Irina Lankova, pianiste: "Cette terre est fertile pour la musique"
Perdue dans le village brabançon de Tourinnes-la-grosse, la très belle église romane Saint-Martin avec sa nef du Xe siècle accueille pour la septième fois le Max Festival et un public de plus en plus large.
Magie de l’endroit, loin de l’agitation des festivals urbains? Richesse de la programmation, qui court de la Renaissance au XXe siècle? Pour la pianiste Irina Lankova, sa directrice artistique, le succès croissant du Max Festival doit sans doute beaucoup à la philosophie, pour ne pas dire à l’âme, de ce rendez-vous, dont le nom rend hommage à l’artiste céramiste Max Van der Linden, décédé en 1999. «Il était passionné par l’idée d’amener l’art et la musique dans le monde rural. Il a créé le premier parcours d’artistes, il y a 60 ans, et initié les premiers concerts à Tourinnes. Cette terre est fertile pour la musique», s’enflamme Irina, «et je pense que l'esprit de Max se retrouve dans notre festival.»
Le Max Festival a la particularité d’accueillir un public d’âge plus varié que celui que l’on croise habituellement dans les rencontres classiques...
Irina Lankova: Je n’en connais pas la raison, mais je m’en réjouis. Il y a bien sûr un public familial, avec un spectacle dédié aux enfants, que l’on accueille aussi aux concerts, avec des coussins qu’on leur réserve tout devant. Cela dit, nous avons toujours beaucoup de jeunes, y compris à notre concert matinal de 6 heures du matin – ce qui prouve qu’ils n’ont pas fait la fiesta la veille...
Mais vous leur offrez des chaises longues dans l’église....
...et de vraies bougies! À cette heure-là, et dans ces conditions, écouter de la musique relève de la pure magie. Cette année, nous avons rendez-vous avec l’ensemble vocal Vocem Flentium, d’Arnout Malfliet, qui nous emmènera dans les polyphonies de la Renaissance. On ne sort pas indemne de tels moments, entre ciel et terre.
Malgré la diversité du programme – il y aura même du classique jazzy avec le Olivier Collette Trio –, vous fédérez chaque année les concerts autour d’un thème. Pourquoi avoir choisi cette fois "Seven", le chiffre 7?
Parce que c’est un chiffre très important dans beaucoup de cultures. Il évoque souvent la plénitude, l’union des contraires, l’achèvement... Pour notre septième édition, il s’est imposé de lui-même. Alors, le 7, on va le retrouver à plusieurs reprises. Dans le trio n°7 «à l’Archiduc» de Beethoven, que je proposerai avec la violoniste Alina Pogostkina et le violoncelliste Bruno Philippe. Dans le concert des «Sept larmes», avec les superbes lacrymae et pavanes de John Dowland qu’interprèteront Robin Pharo avec son ensemble de violes et le contre-ténor Paul Figuier. Nous proposerons aussi la «Symphonie n°7» de Mendelssohn et le «Concerto n°7, BWV 1058» de Bach avec l’Orchestre royal de chambre de Wallonie... Entres autres!
Il y aura aussi, plus inattendu, un atelier pleine conscience pour les jeunes musiciens...
La pratique musicale professionnelle créé énormément de tensions. Pas au point de devenir fou – on l’est déjà un peu pour faire ce métier! –, mais on doit parfois affronter des blocages psychologiques ou physiques lors de certaines prestations. Ce qui nous empêche de nous exprimer pleinement. Cet atelier est là pour les aider. D’autant plus que depuis l’épisode du covid, beaucoup de jeunes musiciens se posent des questions sur leur avenir. Le rôle des professionnels est de leur donner quelques clés...
L’Echo, Stéphane Renard, 06 septembre 2022
https://www.lecho.be/culture/musique/irina-lankova-pianiste-cette-terre-est-fertile-pour-la-musique/10411675.html