Elégie - Programme de récital
Elégie est une sélection très personnelle de pièces courtes et particulièrement émouvantes de Rachmaninov et de Schubert, qui m’accompagnent depuis mon enfance en Russie jusqu’à aujourd’hui dans ma vie de concertiste internationale.
Les photos et le film dédié à la première plage du CD, ont été réalisés par mon ami Peter Lindbergh peu avant sa disparition. Il disait être très ému par la force et la fragilité de mes interprétations et voulait faire la couverture de mon prochain album. J’aimais sa recherche de l’authenticité dans ses portraits et j’ai l’impression qu’avec son regard bienveillant, il a pu capter cette dualité, et quelque chose de plus, d’invisible.
Album Elégie est sortie le 21 mars 2021 et disponible sur toutes les plateformes.
En concert, j’accompagne souvent ce programme avec de brèves introductions des pièces dans leur contexte historique en y ajoutant mes commentaires personnels.
Elégie en tournée :
10/06/2021 Château Saint-Anne, Belgium
09/08/2021 Michelangeli festival, Italie
04/09/2021 Musicales du Luberon, France
15/09/2021 Salle Gaveau Paris, France
2/12/2021 La Patinoire Royale, Bruxelles
08/05/2022 Salle Cortot Paris, France
13/05/2022 Carnegie Hall NY, United States
13/10/2022 Concertgebouw Amsterdam, Netherlands
28/11/2022 l’Esprit du piano festival Bordeaux, France
Elégie pour les engagements de concerts privés ou publics : contact@irinalankova.com
Touchée et bouleversée dans sa petite enfance par l’Élégie de Rachmaninov, Irina Lankova a choisi cette page aussi douloureuse que rêveuse pour ouvrir son nouvel album conçu comme une sorte de journal intime de ses émotions musicales. C’est avec finesse et fraîcheur qu’elle éclaire les partitions qu’elle aborde, gardant toujours en ligne de mire ce qui fait l’essence de son art : le partage d’émotion.
À travers une sélection de brèves pièces aux accents sombres, oniriques, voire envoûtants, elle nous dévoile les souffrances d’un Rachmaninov incarnant à lui seul l’âme russe dans toute sa profondeur et sa spiritualité, mais aussi le pouvoir consolateur des fêlures schubertiennes ou la sérénité d’un choral de Bach. Autant d’univers, de langues musicales qu’Irina Lankova explore depuis des années et dont elle a su capturer l’essence à travers ce jeu si touchant, qui peut être à fleur de peau, et cet art si subtil de manier les couleurs du clavier.
S.Rachmaninov
Élégie Op.3 No.1
Etudes-Tableaux Op.39 No.3, Op.33 No.8
Préludes Op.23 No.7, Op.32 No.12
S.Rachmaninov transcriptions
Vocalise Op.34 No.14 / Z.Kocsis
Zdes horosho Op.21 No.7 / I.Lankova
Liebesleid de Franz Kreisler
F.Schubert
Impromptu D.899 en Sol bémol majeur Op.90 No.3
Schubert/Liszt transcriptions
Ständchen D.957
Auf dem wasser zu singen D.774
A.Scriabine Sonate No.2 Op.19
Press Review :
“Égérie musicale du photographe Peter Lindbergh, la pianiste russe vivant en Belgique Irina Lankova livre son album le plus personnel, jalonnant "Élégie" des morceaux de Rachmaninov, Schubert et Bach qui ont bouleversé sa vie.”
L’Echo, Xavier Flament"Au delà de la virtuosité requise par le répertoire de Rachmaninov, il y a cette urgence, ce drame romanesque qui se trame à chaque fin de phrase mélodique. Cette puissance dramatique, cet art de magnifier la tristesse si caractéristique de la culture russe, Irina Lankova nous la sert sans filtre autre que celui de son âme"
Audiophile Magazine, Joël Chevassus#.. son jeu expressif, la manière pétillante avec laquelle elle engage la conversation entre les voix et la structure dynamique sont tout simplement magnifiques…
Klassiek-centraal
Elégie’/ un voyage émotionnel
Le dictionnaire Larousse définit l’élégie comme un
« petit poème lyrique le plus souvent tendre et triste».
Mais sa poésie, plus ample et intense, puise sa force
dans ses racines antiques :
elegeia, le « chant de mort »des Grecs,
retentit aujourd’hui encore dans la plainte,
la douleur, la séparation, les élans de l’amour...
En musique,
l’élégie désigne une pièce courte
ouverte à des degrés infinis d’émotion profonde
qui n’excluent ni la joie ni le ravissement.
À l’origine, il y a toujours une blessure qu’illumine l’émotion musicale.
J’ai conçu cet album comme un voyage émotionnel. Chacune des plages s’est alors imposée comme une évidence, en écho à un moment capital de ma vie.
J’ai entendu pour la première fois l’Elégie de Rachmaninov quand j’avais six ou sept ans ; elle m’est allée droit au cœur ! J’étais bouleversée : elle m’ouvrait les portes d’un autre monde, plus intense et plus libre, qui correspondait à ce que je sentais intuitivement en moi. Cette musique, loin de me paraître triste, était si puissante et vibrante!
Rachmaninov ne craint pas d’être impudique et s’exprime sans retenue, avec élégance, sobriété et dignité. Le fait d’en prendre conscience et de l’éprouver si profondément m’a façonnée. Rachmaninov exprime aussi comme nul autre la nostalgie de l’âme russe, dont Andrei Tarkovski dit dans son film Nostalghia qu’elle est une « maladie mortelle », inséparable de la souffrance extrême qui nous prive du lieu natal et de nos repères intimes...
Dostoïevski a décrit « l’âme russe » comme « la spiritualité d’un peuple pour qui la souffrance est le besoin le plus élémentaire ». Peut-on supporter sa propre intensité ? On retrouve ce questionnement dans l’idée même d’élégie, exaltante et douloureuse. Je n’ai pas souffert de l’exil comme Rachmaninov, car j’ai choisi de quitter la Russie pour poursuivre mes études en Europe, mais la radicalité de ses sentiments résonne enmoi.
J’ai essayé d’apprendre l’Étude-tableau Op.39 No.3 encore enfant, en pleurant de rage tant elle était difficile ; j’étais trop jeune, mais cette musique me donnait la force pour me dépasser.
Mes choix sont aussi très intuitifs. Vocalise est une pièce qui me hante car j’ai toujours la sensation qu’elle m’échappe. Elle me dépasse... Il me faut presque être satisfaite de ne pas l’être en la jouant, car cette musique ne doit pas être apprivoisée. À la fois très intellectuelle tant elle est structurée et si naturelle, elle jaillit comme un torrent d’une source que Rachmaninov aurait désignée comme celle du cœur ! « La musique vient du cœur et ne parle qu’au cœur, disait-il, elle est amour».
L’Étude-Tableau Op.39 No.6 évoque le danger : elle l’exprime tout autant qu’elle met le musicien en danger. J’aime cette intensité qui tout à coup saisit le cœur et laconscience.
Zdes horosho est difficile à traduire ; c’est une pièce vocale que j’ai transcrite pour piano et dont le titre évoque le sentiment de bien-être que l’on éprouve seul au cœur de la nature et qui rapproche du rêve. Quand le mot rêve est prononcé, la pièce se brise : on touche alors à la nostalgie de l’irréalisable.
C’est ce « sehnsucht » que l’on retrouve chez Schubert, cette même fêlure qui m’attire chez lui. Schubert désirait nous offrir un monde meilleur. Ou un moment de consolation. C’est ce que la musique de Rachmaninov m’a donné. C’est ce qui me rapproche de Schubert. Il m’a longtemps intimidée par sa délicatesse et sa sensibilité à fleur de peau... que je ressentais profondément et que j’adore interpréter aujourd’hui !
Auf dem Wasser zu singen est un lied qui parle de la mort comme d’une grande montée vers la lumière en dépit de la tristesse qui l’accompagne :
« Un jour je partirai sur une vague rayonnante ». La musique s’envole vers la joie, avec la profondeur, la spiritualité et la sensibilité de l’élégie. Schubert s’exprime avec une simplicité et un naturel, comme dans la mélodie de Ständchen.
Terminer cet album avec Johann Sébastian Bach était pour moi essentiel. Sa musique construite avec une grande rigueur naît d’une spiritualité pleine et évidente.
L’Adagio Bach/Marcello est intemporel. Le vénitien Alessandro Marcello écrit ce magnifique thème dans son concerto pour hautbois et j’interprète ici la transcription faite pour clavier par Johann Sébastien Bach en 1717. J’ai joué ce morceau pour la première fois quand j’étais étudiante, à Moscou. Je ne trouvais pas le bon tempo. Il me fallait saisir la pulsation intérieure de la musique. J’ai regardé par la fenêtre du douzième étage et n’ai vu que le ciel opaque ; il neigeait. Or la neige tombait avec la vitesse parfaite ! J’ai joué en suivant le tempo de la neige.
J’aime que ce voyage émotionnel se termine dans l’apaisement avec cette dernière pièce, comme une ouverture versl’infini...